Bien que nos femmes babounent et que nos enfants pleurnichent, pas question de reculer. Une fois par année, on les laisse sur le perron pour vivre notre aventure dans le bois. Mais, rassurez-vous, on n’est pas des sauvages. On leur promet du poisson frais à notre retour. Il faut bien qu’une fois par année, on remplisse notre mission comme père pourvoyeur.
Depuis 10 ans, c’est une tradition. On est six, sept ou huit gars, ça dépend des années, et on part pour trois jours, du vendredi au dimanche, dans une pourvoirie à proximité de Montréal. Toujours en mai. Le but : vivre une sabbatique, en trois jours. Loin dans le bois, près d’un lac aux eaux cristallines. À ne rien faire d’autre que pêcher, rigoler et manger comme des bûcherons. Puis s’endormir au chant du huard.
Il y a 2 ans, on a vécu un autre week-end de rêve. Après 3 heures de route de Montréal, on a emprunté un long chemin de gravelle. Le genre de chemin qui mène « drette » au paradis. À notre arrivée, c’est le bonheur. Notre charmant chalet surplombait une immense baie, qui ne constituait qu’une infime partie d’un lac long de 7 km, ponctué de nombreuses îles, de petites baies et de hauts fonds. Dans ces eaux nageaient des touladis, brochets, dorés et perchaudes. Vite, les cannes à pêche !
Mais ce n’est pas tout. On nous offrait deux autres lacs à prospecter en guise de complément : l’un grouillant de brochets affamés, l’autre débordant de truites mouchetées ensemencées pour faire bombance. Sur ces trois lacs, on trouvait un gros total de… deux chalets. Chose certaine : on ne se bousculera pas sur les quais !
Dans les petits lacs, on était les rois de la pêche. Les poissons sautaient dans les chaloupes. Mais sur le grand lac, aux eaux profondes, on est revenu sur terre. Ça ne mordait pas pantoute, tandis qu’un vent fort nous glaçait les os. Comble de malheur, personne d’entre nous avec un sonar. Notre beau principe de « laisser une chance aux poissons », on était prêt à le renier.
Mais comme des marathoniens, on a persévéré. Avec des familles entières à nourrir, il le fallait. Et c’est toujours quand l’homme a perdu tout espoir qu’un miracle se produit. Et on ne sait pas pourquoi, mais c’est toujours le même pêcheur de notre groupe qui bénéficie de l’intervention divine. Après un long combat, l’heureux élu a remonté un touladi monstre de huit livres. Ça valait la très longue attente.
Bien sûr, on n’a peut-être pas tous été aussi chanceux, mais on a profité d’un week-end merveilleux, plein de fous rires, de franches camaraderies et de bonne bouffe non recommandée par le guide alimentaire canadien. Et avec assez de poissons pour être à la hauteur de nos réputations de père pourvoyeur !
En quittant les lieux, on avait déjà hâte à l’année prochaine.
Rédigé par Simon Diotte
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